Sortie : 15 October 2010
177 pages
N° ISBN : 978-2-91635-547-4
19,30 €
Voyage au pays des juges
Ce livre est une invitation au voyage dans un pays à risques : celui des juges. Le fil conducteur du récit se nourrit d’une dramaturgie où va se jouer l’honneur d’hommes injustement mis en cause. Au fil de 45 étapes, vous rencontrerez l’usage d’un faux, la manipulation de témoin, la déformation des pièces du dossier, la garde à vue pour faire craquer et l’intime conviction comme habillage juridique de l’arbitraire, avant une marche lente vers la vérité. Tant que ces méthodes n’ont touché que les hommes politiques, elles n’ont pas soulevé de protestation, mais le jour où l’opinion a découvert qu’elles pouvaient concerner d’autres publics, alors... Alors bon voyage.
Extraits
« Pour couronner la série des perquisitions, le conseiller Van Ruymbeke débarque rue de Solferino le 14 janvier 1992 en début d’après-midi, jour de la passation de pouvoir entre Pierre Mauroy et Laurent Fabius. Les socialistes y verront une coïncidence troublante. En vérité c’est une preuve de plus de l’indifférence de l’institution judiciaire à l’égard du monde qui l’entoure. L’institution vit à son rythme selon ses rituels et ses procédures, ignorante des rythmes et des rituels des autres. Il ne faut jamais lui prêter d’arrière-pensées. L’explication de ses comportements décalés trouve sa source dans son isolement. La perquisition va durer plus de six heures. La panique règne dans les couloirs de Solferino et l’inquiétude dans les bureaux. L’intervention d’un juge au siège national d’un parti politique démocratique constitue une première dans la vie de la République. Il s’agit d’un acte grave, perçu par les militants présents comme une sorte de viol d’un lieu qui jusqu’alors paraissait bénéficier d’une extraterritorialité fondée sur l’idée pertinente que les électeurs avaient seuls à connaître et à juger des affaires des partis politiques. Jack Lang, avec son sens inné de la formule, se réjouira à la sortie du Conseil des ministres de la perquisition au siège du PS, « preuve éclatante que dans notre pays la justice est libre ». Éclatante, en effet... La perquisition avait été gardée secrète. Le préfet de Police de Paris, informé par un inspecteur rennais, fait sursauter Pierre Truche, procureur général près la cour d’appel de Paris, en la lui révélant en pleine audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Paris. En milieu d’après-midi, une dépêche de l’AFP finit par annoncer la perquisition au PS. Personne ne saura jamais comment l’AFP a été prévenue. La presse commence à se rassembler rue de Solferino. »
(...)
« Comme beaucoup de députés, je suis battu aux élections législatives de mars 1993 qui marquent une débâcle sans précédent pour les socialistes. Les affaires ont joué un rôle moins décisif dans la défaite que le chômage et la récession. Après l’échec, Michel Rocard parle de champ de ruines. L’ambiance paraît crépusculaire. La presse pronostique même la disparition du courant socialiste, disparition que semble annoncer un drame : le suicide de Pierre Bérégovoy, le 1er mai 1993. Probablement parce que je ressentais, par expérience, les effets déstabilisateurs d’une mise en cause judiciaire, ce suicide me touche comme si la boucle se resserrait. Pierre Bérégovoy avait, lui aussi, croisé sur sa route le juge Jean-Pierre. Pour me rendre à l’enterrement de Pierre Bérégovoy, j’emprunte le train spécial corail de 11 heures 30 pour Nevers. Les voitures n° 3 et 4 sont réservées aux dirigeants du PS qui vont à la cérémonie. Ils sont presque tous là, renvoyés « à la base » quelques semaines plus tôt par les électeurs. En qualité de secrétaire national aux Affaires sociales, je fais alors partie de la « nomenclatura socialiste ». Ce train spécial exhale un petit parfum officiel mélangé à un curieux air de congé. Chacun se salue, se croise, change de place et finalement s’installe en respectant des hiérarchies jamais clairement affichées mais toujours très présentes chez les socialistes. Michel Rocard, qui vient de prendre la direction du Parti, siège au centre de la voiture. Il est rejoint par Pierre Mauroy, Bernard Kouchner, Élisabeth Guigou, Jean-Paul Huchon, Martine Aubry, Bruno Durieux et d’autres. Je m’attendais à rencontrer des visages de circonstance. Je me trompais. L’atmosphère dans la voiture n° 3 n’est ni à la tristesse ni au recueillement. Autour de Kouchner une discussion s’engage sur la coupe d’Europe, entrée pour Marseille dans sa phase décisive. Chacun salue alors sans réserve et sans nuance la performance de Bernard Tapie qui, convaincu que tout s’achète et tout se vend, a appliqué sa théorie au foot. Quelques happy few font savoir qu’ils suivront l’événement dans la loge, alors très recherchée, du président Tapie. Je me demande s’il ne serait pas prudent de tirer les stores des vitres. La presse parcourt le quai à la recherche du cliché d’un visage connu. Il serait inopportun qu’elle immortalise le sourire d’un officiel partant à l’enterrement d’un ancien Premier ministre. Il existe un précédent historique : l’utilisation faite contre Poincaré d’une photo souriante lors de l’inauguration d’un monument aux morts qui lui valut l’injuste surnom de ’’l’homme qui rit dans les cimetières’’. »
Critiques
« La plume alerte sert la vivacité du propos au moment de sonner la charge. » Frédérique Bréhaut, Le Maine Libre
« Jean-Claude Boulard n’est pas tendre envers les deux magistrats qui ont instruit cet important dossier. » Anne Portmann, Éditions Législatives
« En étant déclaré suspect, on bascule d’un coup dans un autre monde. » Extrait d’un entretien avec Evelyne Montigny, La Croix
« Un comble ! Je dois d’abord être inculpé pour prouver mon innocence ! L’enquête contradictoire et la preuve restent notre meilleure protection face aux juges. » Extrait d’un entretien avec Isabelle Léouffre, Paris Match
« Jean-Claude Boulard dénonce les rouages de la République des juges » F.B, Le Maine Libre
« Un récit à la manière d’un polar. Il y a là matière : un mort pour lancer l’histoire, un juge poursuivi par un procureur qui s’enferme pour perquisitionner en paix, les broyeuses sélectives du PS… Chapitres courts, dialogues abondants, allers et retours entre la Sarthe, Marseille, Paris, Saint-Brieuc… On ne s’ennuie pas. La charge contre les magistrats est violente. » Ouest France
« Un vrai thriller qu’on ne quitte plus dès qu’on l’a commencé, avec en plus un fond politique d’une grande perspicacité. » Louis Mermaz, Sénateur de l’Isère et ancien président de l’Assemblée Nationale
« Cette contribution si importante pour rétablir l’image d’une justice très abîmée (…) participe de la prise de conscience que la Justice exige de retrouver sérénité et équité. » Christiane Feral-Schuhl, Bâtonnier désigné du Barreau de Paris